C'est le premier chapitre de l'essai de Dr. Salvatore Inglese: L'alliance agitée entre la psychopathologie et l'anthropologie (mémoires et réflexions d'une expérience sur le champ) tirée des " I fogli di Oriss ", n° 1, 1993.
Quand je suis arrivé là bas (rappelons: à S. Giovanni in Fiore), je ne savais presque rien de son histoire ni de son présent. Pourtant là j'avais commencé comme psychiatre jeune et inexpérimenté.
Ma première impression était celle d'un endroit renfermé sur lui même, enveloppé autour d'un secret invisible, claustral et claustrophobique. La lumière insuffisante de l'après-midi et le premier brouillard dense automnal ont imposé ce sentiment à la conscience, et ils l'ont inquiétée.
Le premier impact, la première vision rapportée de personnes qui y travaillaient déjà et qui auraient partagé avec moi cette expérience professionnelle, était qu'il n'y aurait pas beaucoup de travail: peu de patients, des vecus ordinaires. Tout aurait était couvert, pendant l'hiver, d'une couche de neige, d'abord légère et mince, après dure comme du ciment blanc.
Le pays a semblé n'avoir rien à dire à une personne venant du monde extérieur, alors que des indices fugaces signalaient clairement que j'avais franchi une frontière invisible, mais nette, entre ce qui demeure dehors et ce qui, dans ce territoire a résidé silencieux, contenu par d'invisibles brides.
Plus tard, beaucoup plus tard, un travail d'effacement collectif, implacable et tenace serait parvenu à évidence. Mais que s'efforce tout le monde, d'effacer?
Plus tard, beaucoup plus tard, j'appris fortuitement, en lisant un article de commémoration historique de la tragédie de Mattmark, que sept victimes provenaient de ce territoire. (En août de 1965 un glacier des Alpes suisses se renverse sur les chantiers préparés pour la construction du barrage de Mattmark, faisant un massacre d'hommes).
Entraîné avec émotion dans son destin tragique, tout le pays a participé à l'angoisse qui n'a épargné personne.
Les autorités, les familles, le clergé et les politiciens ont activé un pont pour la solidarité et le deuil du front de la tragédie la plus importante que l'émigration en pays étranger n'avait jusqu'à ce moment provoquée à charge de cette communauté.
Dans le temps où j'y ai travaillé, écris et fais des recherches (1982-1990), personne ne m'avait parlé de cet événement, alors que tous connaissaient mon intérêt spécifique pour les vicissitudes migratoires.
J'étais maintenu à l'écart de tout. Même après des années de permanence dans le territoire, après avoir connu des centaines de cas et événements émergents de l'arrière-plan historique de l'émigration de masse.
Immédiatement j'ai justifié un tel comportement croyant y reconnaître une manière de m'exclure, car membre externe de cette sphère intime, qui se cristallise à l'intérieur d'une communauté assommée par une tragédie collective.
Ensuite j'atteins la conviction que cette stratégie radicale d'isolement et de répression du drame, a été, pour la plupart, adressée aux membres appartenant de droit à la communauté.
L'intolérance de l'événement ne devait donc pas remonter à la surface de la conscience collective car elle n'a toujours pas su archiver le problème de l'émigration comme choix de survie.
En outre, depuis tout ce temps, on n'a pas su proposer à l'attention des jeunes générations l'histoire de cet événement dissuasif et menaçant, capable d'entraîner dans le sentiment de malchance, non seulement le destin d'un individu ou d'une famille, mais celui d'une population entière.
Salvatore Inglese